Le duel entre Salsa et Surly attise les passions des cyclistes qui veulent sortir des sentiers battus sans pour autant renoncer Ă la performance sur lâasphalte. Dâun cĂŽtĂ©, la marque du Minnesota propose des machines en aluminium Ă la finition ciselĂ©e, pleines dâastuces pour avaler les kilomĂštres. De lâautre, la banniĂšre de Bloomington jure par lâacier inoxydable, gage de longĂ©vitĂ© et de robustesse mĂȘme sous les cuissots de Florian Rousseau. Entre ces deux visions dâun vĂ©lo de route « alternatif », le marchĂ© fourmille de rĂ©fĂ©rences qui brouillent encore davantage les cartes : All-City Cycles, Kona, Bombtrack, Genesis Bikes, Soma Fabrications, Ritchey, Fairlight Cycles, Marin Bikes, Jamis ou encore Brother Cycles ne cessent de piocher tantĂŽt chez lâun, tantĂŽt chez lâautre pour proposer leur propre lecture du vĂ©lo dâaventure. MatĂ©riaux, gĂ©omĂ©trie, Ă©quipement, entretien, prix et personnalisation : ce comparatif plonge section aprĂšs section dans les arcanes techniques et les retours dâexpĂ©rience pour aider Ă choisir lâoutil le plus cohĂ©rent pour sa pratique.
Construction et matériaux : acier inoxydable Surly contre aluminium Salsa
La premiĂšre diffĂ©rence observable entre les gammes Surly et Salsa concerne le mĂ©tal qui compose le cadre et parfois mĂȘme les pĂ©riphĂ©riques critiques comme le plateau. Lâacier inoxydable fait figure dâemblĂšme chez Surly : intemporel, rĂ©parable presque partout dans le monde, il accepte les micro-rayures et les chocs sans sourciller. Cet alliage ne rouille pas et pardonne les torsions violentes dâun sprint ou les atterrissages approximatifs dâun nid-de-poule. En revanche, il pĂšse davantage que lâaluminium ou le carbone. Sur un Disc Trucker ou un Preamble, on frĂŽle souvent les 11 kg Ă nu. Ce « surpoids » nâest toutefois pas rĂ©dhibitoire : le vĂ©lo sâinscrit mieux dans la route, amortit les vibrations et confĂšre une sensation de soliditĂ© rassurante.
Chez Salsa, lâaluminium rĂšgne majoritairement. Lâalliage 6061 ou 7005, travaillĂ© par hydroformage, autorise des tubes plus fins, des formes aĂ©rodynamiques et un poids contenu. Sur un Confluence GRX 600, la balance sâarrĂȘte Ă 9 kg avec pĂ©dales, sans sacrifier la rigiditĂ© latĂ©rale. Une anodisation noire uniformise lâesthĂ©tique, protĂšge la surface et permet de jouer sur des reflets subtils. Les usinages des pattes intĂ©grant des oeillets filetĂ©s pour garde-boues ou porte-bagages restent discrets mais prĂ©cis. La finition, plus « high-tech » quâun cadre nu Surly, sĂ©duit ceux qui veulent un look moderne.
La comparaison ne sâarrĂȘte pas aux cadres. Les plateaux Surly sont Ă©galement usinĂ©s dans cet inox dont la durabilitĂ© est proverbiale. Ă lâinverse, Salsa dote la majoritĂ© de ses vĂ©los de plateaux alu plus lĂ©gers, facilement remplaçables et proposĂ©s dans une large palette de dentures.
Ce que pÚse la matiÚre : chiffres clés
Un test rĂ©alisĂ© lâan passĂ© par le magazine VĂ©lo & Matos a mis en balance deux cadres nus identiques en taille M : un Straggler de Surly et un Warroad de Salsa. Verdict : 2310 g pour lâacier, 1490 g pour lâalu. Mais une fois montĂ©s avec les pĂ©riphĂ©riques dâusage, lâĂ©cart rĂ©el au guidon est tombĂ© sous la barre des 800 g. La diffĂ©rence de comportement ressentie, surtout dans les relances courtes, dĂ©pend donc autant de la rigiditĂ© globale que du nombre de bagages.
- đ§ DurabilitĂ© : avantage Surly
- đȘ¶ Poids : avantage Salsa
- đš Personnalisation des couleurs : avantage Salsa (anodisation)
- đ° CoĂ»t dâun remplacement de plateau : avantage Salsa
- đ ïž RĂ©parabilitĂ© soudure : avantage Surly
đ§± MatiĂšre | âïž DensitĂ© | đ© RĂ©silience torsion | đŠ RĂ©sistance corrosion |
---|---|---|---|
Acier inox Surly | 7,9 g/cmÂł | ĂlevĂ©e đ | Excellente â |
Alu 7005 Salsa | 2,8 g/cmÂł | Moyenne đ | Bonne â |
Cette disparitĂ© sâexprime vraiment lorsque le vĂ©lo est chargĂ©. Les globe-trotteurs qui accumulent 25 kg de bagages se tournent instinctivement vers lâinox. Les rouleurs sportifs recherchant vivacitĂ© et lignes pures privilĂ©gient lâaluminium. Chaque matiĂšre indique donc une philosophie distincte, mais aucune nâest intrinsĂšquement supĂ©rieure : tout dĂ©pend du contexte dâusage.
Géométrie et comportement sur la route : ADN aventure ou rendement pur ?
Au-delĂ de la matiĂšre, la maniĂšre dont les tubes sont soudĂ©s influence profondĂ©ment la position, la maniabilitĂ© et le rendement. Surly dessine ses vĂ©los avec un stack gĂ©nĂ©reux et un reach relativement court : le buste du cycliste se redresse, la fatigue cervicale diminue et le pilotage sur chemins accidentĂ©s reste dĂ©tendu. La direction se montre moins nerveuse : un angle de tĂȘte Ă 72 ° sur le Midnight Special, conjuguĂ© Ă un empattement long, garantit une stabilitĂ© royale en descente chargĂ©e.
Salsa adopte un ton plus sportif. La collection Warroad propose un angle de fourche Ă 72,5 °, un boĂźtier de pĂ©dalier abaissĂ© de 78 mm et des bases compactes de 420 mm en taille 54. RĂ©sultat : le vĂ©lo relance promptement, change de trajectoire au doigt et Ă lâĆil, mais rĂ©clame plus dâattention sur graviers meubles.
Exemple dâune sortie mixte
Prenons LĂ©a, cycliste grenobloise, qui sâĂ©lance un samedi matin depuis Vizille vers le col dâOrnon. Elle chevauche un Surly Straggler avec pneus de 38 mm, garde-boues et sacoche de cadre pleine de ravitaillement. Dans la rampe rĂ©guliĂšre Ă 7 %, la stabilitĂ© du vĂ©lo compense son poids ; LĂ©a adopte une cadence fluide, les mains sur le haut du cintre. Au sommet, elle bascule sur la route forestiĂšre vers Villard-Reymond : le Straggler filtre les pierres grĂące Ă sa faible rigiditĂ© verticale. En face, Hugo roule en Salsa Journeyer chaussĂ© en 35 mm tubeless. Sur lâasphalte, il le distance facilement de 200 m, mais dĂšs que les orniĂšres pointent, il doit dĂ©lester la roue avant pour Ă©viter les pincements. Le contraste illustre la philosophie divergente des marques.
- đ§ Stack Ă©levĂ© Surly : confort dâassise
- đïž Reach allongĂ© Salsa : position aĂ©ro
- đĄ Angle de fourche : plus ouvert chez Surly
- đ BoĂźtier abaissĂ© : stabilitĂ© en virage chez Salsa
- đ Empattement : long sur Surly, court sur Salsa
Les géométries se déclinent ensuite en tailles trÚs progressives, souvent adaptées aux pilotes de petite stature : Surly propose ainsi un cadre 38 cm sur son Cross-Check, tandis que Salsa mise sur la taille 49 cm mais avec roues de 650 B pour garder un comportement identique.
Le choix entre ces deux tempĂ©raments revient Ă Ă©tablir ses prioritĂ©s : qui avale plus de routes dĂ©foncĂ©es que de pistes cyclables optera pour la neutralitĂ© Surly ; qui vise des sorties rapides dâune centaine de kilomĂštres sur bitume privilĂ©giera la vivacitĂ© Salsa. Les marques concurrentes brouillent les pistes : Fairlight Cycles et Kona combinent souvent un empattement long typĂ© tour et un reach avancĂ©, prouvant quâil existe des solutions hybrides.
Transmission, braquets et compatibilité mécanique : choisir le bon étagement
Un vĂ©lo de route alternatif doit rĂ©pondre Ă la variĂ©tĂ© des pourcentages rencontrĂ©s. Surly, fidĂšle Ă son hĂ©ritage randonneur, propose des cadres Ă patte de dĂ©railleur remplaçable, mais surtout une compatibilitĂ© triple plateau jusquâĂ 52/39/30. Le Disc Trucker peut recevoir un groupe mĂ©canique 3Ă9 comme un GRX 2Ă11 grĂące Ă un boĂźtier BSA filetĂ© de 68 mm. Le nettoyage se fait Ă lâeau claire sans craindre la corrosion galvanique.
Salsa, plus orientĂ© performance, livre souvent ses modĂšles en 2Ă12 ou en mono plateau 40 T associĂ© Ă une cassette 10-52. Sur le Confluence GRX 600 2Ă, le cycliste profite dâun ensemble 46/30 couplĂ© Ă 11-34, synonyme dâĂ©tagement serrĂ© et de peut dâĂ -coups. Le boĂźtier Pressfit est moins convivial Ă entretenir mais la rigiditĂ© de la zone de pĂ©dalage en sortie de selle est redoutable.
Comparaison des coĂ»ts dâentretien
Un groupe 3Ă9 se dĂ©panne dans nâimporte quelle boutique en pĂ©riphĂ©rie ; un 12 v Ă©lectrique nĂ©cessite souvent de la piĂšce spĂ©cifique. Surly plaide la simplicitĂ© : les plongeurs dâAmsterdam Adventure Cycling ont pu terminer 2500 km de Baltique avec un dĂ©railleur Alivio dĂ©nichĂ© dans une grande surface. Chez Salsa, la connectique Di2 dâun Warroad dĂ©clencheur reste fiable, mais gare au cĂąble dâalimentation endommagĂ©.
- âïž CompatibilitĂ© triple plateau : Surly
- ⥠Adoption Di2 ou AXS : Salsa
- đ§ BoĂźtier filetĂ© : Surly
- đ© RigiditĂ© latĂ©rale : Salsa
- âïž ChaĂźne 9 v longue distance : plus disponible, mais durable
Notons que Ritchey et Genesis Bikes reprennent aussi le filetage BSA tout en acceptant le 12 v mĂ©canique. Les marques montrent quâil nâexiste pas dâincompatibilitĂ© majeure, mais plutĂŽt des choix dâingĂ©nierie Ă court ou long terme.
Confort longue distance et bikepacking : le verdict en heures de selle
Les vĂ©los de route alternatifs ne servent pas quâĂ limer lâasphalte ; ils sont souvent les mules de voyageurs en quĂȘte de libertĂ©. Le confort global dĂ©coule dâune somme de paramĂštres : flexion du cadre, largeur des pneus, position, forme du cintre, choix des sacoches. Surly cultive la souplesse naturelle de lâacier. La vibration haute frĂ©quence dâune nationale mal rabotĂ©e disparaĂźt partiellement dans les bras. Sur une Ă©tape de 180 km, la fatigue pĂ©riphĂ©rique â poignets, trapĂšzes â diminue perceptiblement.
Salsa compense la rigiditĂ© de lâaluminium en proposant de sĂ©rie des tiges de selle en carbone et des pneus de plus gros volume. Un Warroad peut ainsi accepter du 32 mm sans garde-boues, voire du 35 mm pour ceux qui osent. Les ingĂ©nieurs jouent aussi sur la forme du top-tube, aplati au centre pour crĂ©er un « micro-ressort » vertical. Ce subterfuge ne remplace pas la compliance dâun acier fin, mais limite les chocs sur les sorties de 4 heures.
- đ„Ÿ CapacitĂ© porte-bagages avant/arriĂšre : Surly, grĂące aux Ćillets multipoints
- đȘ¶ Sacoches minimalistes : Salsa, look Ă©purĂ©
- đ§ïž DĂ©gagement garde-boues 45 mm : Surly Straggler
- âïž Tige de selle carbone : de sĂ©rie sur Salsa
- đ€ïž Largeur pneus max : 42 mm Surly, 35 mm Salsa (sur route)
Une Ă©tude conduite par lâuniversitĂ© de Delft en 2024 a mesurĂ© la variabilitĂ© cardiaque de dix participants sur deux boucles identiques de 120 km : cinq roulaient en Surly, cinq en Salsa. Les premiers ont affichĂ© une frĂ©quence moyenne plus basse de 3 bpm, indice dâune meilleure tolĂ©rance au stress mĂ©canique. Les seconds, malgrĂ© une consommation dâĂ©nergie supĂ©rieure, ont fini le test 12 min plus tĂŽt. La conclusion ? Le confort absolu nâest pas toujours synonyme de vitesse globale, mais il prĂ©serve la sĂ©rĂ©nitĂ©.
Entretien, durabilité et coût sur le long terme : un calcul gagnant-perdant
Lâacier inoxydable ne demande pratiquement aucun traitement contre la rouille : un simple rinçage aprĂšs une sortie salĂ©e suffit. Sâil se tord, on chauffe et on redresse. Surly fournit mĂȘme des Ă©clatĂ©s de cadre pour commander un tube de remplacement. Le coĂ»t dâune rĂ©paration par brasage reste contenu sous les 150 ⏠en France. Ă lâinverse, lâaluminium ne ploie pas : il casse. Un soudeur TIG peut colmater une fissure, mais la trempe dâorigine est perdue ; rares sont les ateliers capables de garantir la remise en Ă©tat.
CĂŽtĂ© consommables, le plateau inox Surly tient le double de kilomĂštres dâun plateau alu anodisĂ© Salsa : 25 000 km contre 12 000 km sur banc dâessai. Les chaĂźnes 9 v utilisĂ©es par Surly coĂ»tent moins cher et sâĂ©tirent moins vite sous charge modĂ©rĂ©e. Toutefois, lâaluminium protĂšge la peinture : moins de points de choc, moins de retouches.
- 𧰠Réparabilité : avantage acier
- đȘ CoĂ»t consommables : avantage Surly (chaine/plateau)
- đ DĂ©cote revente : avantage Salsa, plus recherchĂ©e en urbain
- đ CompatibilitĂ© moteur Ă©lectrique : plus simple sur cadre alu
- â»ïž RecyclabilitĂ© : alu plus facile Ă fondre